Mon dernier roman, Le Rolleiflex de Lee, raconte ce qu’a vécu Lee Miller durant la Seconde Guerre mondiale, depuis sa participation imprévue à la libération de Saint-Malo jusqu’à l’une de ses photos les plus connues, prise dans la baignoire d’Hitler en 1945.
Voilà comment je pourrais le résumer rapidement. Mais j’ai bien, bien d’autres choses à vous dire dessus.
Comment on travaille sur Lee Miller ?
Il a quelques mois de cela, comme beaucoup de gens, je n’avais jamais entendu parler de Lee Miller. C’est lors d’une discussion avec celle qui allait devenir mon éditrice chez Les Petites Moustaches que ce personnage a été évoqué. Et j’ai été immédiatement fascinée par cette femme, née au siècle dernier, qui a côtoyé certains des plus grands artistes des années 30-40 (Man Ray, Picasso, Eluard…), et qui a ensuite suivi les soldats américains pour des reportages et des prises de position très marquées.
Mannequin, photographe, journaliste… Lee Miller a eu plusieurs vies. Et pourtant, j’ignorais presque tout d’elle. Il était temps de passer à une phase que j’adore dans la préparation de roman : les recherches.
Des recherches pour une biographie
Pour la première fois, j’allais avoir comme personnage principal une personne ayant réellement existé. Vous la voyez la goutte de sueur qui perle sur mon front ? Pas question ici d’inventer, ou de se permettre trop de liberté sur le personnage. Il fallait coller à la réalité (autant que cela soit possible sur des événements passés).
Et donc, j’ai commencé mes recherches. Lecture d’une première biographie, puis d’une deuxième, ensuite des propres articles de Lee Miller, d’un maximum de documents parlant d’elle, analyse de ses photos… J’ai pris un nombre incommensurable de notes. D’autant plus que, même si mon récit allait se concentrer sur une partie bien précise de sa vie, il était indispensable pour moi de la connaître au mieux. C’est-à-dire d’étudier son parcours AVANT la guerre, tout ce qu’elle avait vécu et ce qui participait à la construction de sa personnalité.
Lee Miller, un personnage ou une personne ?
Et voilà comment, petit à petit, j’ai appris à connaître Lee Miller. Avec ses forces et ses failles, ses caprices et sa volonté, son audace comme son manque de confiance. Et j’ai très vite compris que j’allais intégrer toutes ces facettes dans le roman. Je devais mettre en valeur une personnalité riche et intense, pas juste une super héroïne qui n’a peur de rien, mais une femme dans tous les aspects de sa personne, y compris certains moins reluisants que d’autre.
Le travail a été d’autant plus particulier qu’à ses côtés, j’intégrais un personnage imaginaire. Un jeune adolescent dont j’avais tracé le portrait avec tout autant de subtilité et que l’on a finalement, en accord avec l’éditrice, décidé de mettre en retrait la personnalité pour que la lumière reste sur Lee Miller.
Comment parler d’Histoire aux adolescents ?
Car cette biographie allait présenter deux aspects particuliers : elle était à destination des adolescents, d’une part. Et elle était romancée, d’autre part.
C’est-à-dire que je ne suis pas juste dans un exposé des faits, je raconte une histoire. Avec de la tension et des émotions. C’est justement cet aspect romancé qui me permet d’introduire le personnage de cet adolescent, qui découvre Lee Miller en étant directement immergé dans son histoire, plongé depuis notre époque directement au cœur de la guerre. Pour info, Gabin part d’une brocante en 2024 pour atterrir sous un bombardement en 1944. Vous voulez des sensations, vous allez en avoir !
(Pour la petite histoire, j’avais d’abord imaginé mettre cet adolescent directement dans la peau de Lee Miller. En mode Code Quantum, pour celles et ceux qui ont la référence. Mais la personnalité de Lee Miller était trop importante pour laisser quelqu’un d’autre vivre les choses à sa place. Et oui, un roman, c’est parfois plein d’idées, y compris des surprenantes, avant d’arriver à son terme).
Pas de syndrome de la page blanche… ou un peu quand même ?
Pour ce roman, je partais cependant d’une trame déjà existante : le parcours de Lee Miller durant la guerre. Il n’était pas question de m’en écarter.
Par contre, il n’en était pas de même pour le personnage de Gabin. Lui pouvait vivre plein de choses. Et le devait même : pour montrer à un adolescent d’aujourd’hui ce qu’était la vie dans les années 40, il était plus pertinent de le faire à travers le regard de Gabin qu’à travers celui de Lee, qui connaissait déjà très bien tout cela.
Pour cette raison, j’ai dû choisir quand séparer Gabin de Lee Miller, et pour quelles raisons (parfois juste pour apporter du dynamisme au récit, parfois pour analyser ce qu’il voyait avec un regard actuel). Bref, tout un travail qui devait toujours servir à présenter la Seconde Guerre et son contexte, tout comme la vie de cette photo reporter extraordinaire, sans dériver vers un côté trop aventureux du narrateur.
Et je peux vous dire que trouver le juste dosage n’a pas toujours été facile !
Et maintenant ?
Maintenant, je connais Lee Miller un peu comme une cousine avec qui j’aurais passé de longs mois, mais qui reprend sa vie ensuite. J’avoue avoir très peur de regarder le film sorti depuis que j’ai écrit le texte et de ne pas tout à fait reconnaître « ma » Lee dedans. Mais c’est aussi comme dans la vraie vie : toutes les personnes que l’on rencontre ne voient pas les mêmes facettes de nous.
Maintenant, surtout, j’ai un roman qui est entre les mains des lecteurs et lectrices. Et j’espère qu’il leur apportera tout ce que j’ai voulu mettre dedans, tout ce que Lee m’a inspiré et un peu plus. Car oui, c’est une biographie, mais comme toute personne qui raconte l’Histoire, j’y ai forcément mis un peu de moi aussi (Gabin n’a pas tout à fait la même vision des civils allemands que Lee Miller, par exemple. Et il va grandir dans sa vision des femmes aussi).
Et enfin, maintenant, j’attends avec beaucoup d’impatience les retours de celles et ceux qui le liront. Et j’ai envie d’écrire d’autres romans historiques (j’y ai pris goût depuis Lettres du Kansas) !