Mon dernier roman, Le Rolleiflex de Lee, raconte ce qu’a vécu Lee Miller durant la Seconde Guerre mondiale, depuis sa participation imprévue à la libération de Saint-Malo jusqu’à l’une de ses photos les plus connues, prise dans la baignoire d’Hitler en 1945.
Voilà comment je pourrais le résumer rapidement. Mais j’ai bien, bien d’autres choses à vous dire dessus.
Comment on travaille sur Lee Miller ?
Il a quelques mois de cela, comme beaucoup de gens, je n’avais jamais entendu parler de Lee Miller. C’est lors d’une discussion avec celle qui allait devenir mon éditrice chez Les Petites Moustaches que ce personnage a été évoqué. Et j’ai été immédiatement fascinée par cette femme, née au siècle dernier, qui a côtoyé certains des plus grands artistes des années 30-40 (Man Ray, Picasso, Eluard…), et qui a ensuite suivi les soldats américains pour des reportages et des prises de position très marquées.
Mannequin, photographe, journaliste… Lee Miller a eu plusieurs vies. Et pourtant, j’ignorais presque tout d’elle. Il était temps de passer à une phase que j’adore dans la préparation de roman : les recherches.
Des recherches pour une biographie
Pour la première fois, j’allais avoir comme personnage principal une personne ayant réellement existé. Vous la voyez la goutte de sueur qui perle sur mon front ? Pas question ici d’inventer, ou de se permettre trop de liberté sur le personnage. Il fallait coller à la réalité (autant que cela soit possible sur des événements passés).
Et donc, j’ai commencé mes recherches. Lecture d’une première biographie, puis d’une deuxième, ensuite des propres articles de Lee Miller, d’un maximum de documents parlant d’elle, analyse de ses photos… J’ai pris un nombre incommensurable de notes. D’autant plus que, même si mon récit allait se concentrer sur une partie bien précise de sa vie, il était indispensable pour moi de la connaître au mieux. C’est-à-dire d’étudier son parcours AVANT la guerre, tout ce qu’elle avait vécu et ce qui participait à la construction de sa personnalité.
Lee Miller, un personnage ou une personne ?
Et voilà comment, petit à petit, j’ai appris à connaître Lee Miller. Avec ses forces et ses failles, ses caprices et sa volonté, son audace comme son manque de confiance. Et j’ai très vite compris que j’allais intégrer toutes ces facettes dans le roman. Je devais mettre en valeur une personnalité riche et intense, pas juste une super héroïne qui n’a peur de rien, mais une femme dans tous les aspects de sa personne, y compris certains moins reluisants que d’autre.
Le travail a été d’autant plus particulier qu’à ses côtés, j’intégrais un personnage imaginaire. Un jeune adolescent dont j’avais tracé le portrait avec tout autant de subtilité et que l’on a finalement, en accord avec l’éditrice, décidé de mettre en retrait la personnalité pour que la lumière reste sur Lee Miller.
Comment parler d’Histoire aux adolescents ?
Car cette biographie allait présenter deux aspects particuliers : elle était à destination des adolescents, d’une part. Et elle était romancée, d’autre part.
C’est-à-dire que je ne suis pas juste dans un exposé des faits, je raconte une histoire. Avec de la tension et des émotions. C’est justement cet aspect romancé qui me permet d’introduire le personnage de cet adolescent, qui découvre Lee Miller en étant directement immergé dans son histoire, plongé depuis notre époque directement au cœur de la guerre. Pour info, Gabin part d’une brocante en 2024 pour atterrir sous un bombardement en 1944. Vous voulez des sensations, vous allez en avoir !
(Pour la petite histoire, j’avais d’abord imaginé mettre cet adolescent directement dans la peau de Lee Miller. En mode Code Quantum, pour celles et ceux qui ont la référence. Mais la personnalité de Lee Miller était trop importante pour laisser quelqu’un d’autre vivre les choses à sa place. Et oui, un roman, c’est parfois plein d’idées, y compris des surprenantes, avant d’arriver à son terme).
Pas de syndrome de la page blanche… ou un peu quand même ?
Pour ce roman, je partais cependant d’une trame déjà existante : le parcours de Lee Miller durant la guerre. Il n’était pas question de m’en écarter.
Par contre, il n’en était pas de même pour le personnage de Gabin. Lui pouvait vivre plein de choses. Et le devait même : pour montrer à un adolescent d’aujourd’hui ce qu’était la vie dans les années 40, il était plus pertinent de le faire à travers le regard de Gabin qu’à travers celui de Lee, qui connaissait déjà très bien tout cela.
Pour cette raison, j’ai dû choisir quand séparer Gabin de Lee Miller, et pour quelles raisons (parfois juste pour apporter du dynamisme au récit, parfois pour analyser ce qu’il voyait avec un regard actuel). Bref, tout un travail qui devait toujours servir à présenter la Seconde Guerre et son contexte, tout comme la vie de cette photo reporter extraordinaire, sans dériver vers un côté trop aventureux du narrateur.
Et je peux vous dire que trouver le juste dosage n’a pas toujours été facile !
Et maintenant ?
Maintenant, je connais Lee Miller un peu comme une cousine avec qui j’aurais passé de longs mois, mais qui reprend sa vie ensuite. J’avoue avoir très peur de regarder le film sorti depuis que j’ai écrit le texte et de ne pas tout à fait reconnaître « ma » Lee dedans. Mais c’est aussi comme dans la vraie vie : toutes les personnes que l’on rencontre ne voient pas les mêmes facettes de nous.
Maintenant, surtout, j’ai un roman qui est entre les mains des lecteurs et lectrices. Et j’espère qu’il leur apportera tout ce que j’ai voulu mettre dedans, tout ce que Lee m’a inspiré et un peu plus. Car oui, c’est une biographie, mais comme toute personne qui raconte l’Histoire, j’y ai forcément mis un peu de moi aussi (Gabin n’a pas tout à fait la même vision des civils allemands que Lee Miller, par exemple. Et il va grandir dans sa vision des femmes aussi).
Et enfin, maintenant, j’attends avec beaucoup d’impatience les retours de celles et ceux qui le liront. Et j’ai envie d’écrire d’autres romans historiques (j’y ai pris goût depuis Lettres du Kansas) !
J’étais une enfant sage, pourtant. J’écoutais ce qu’on me disait et je le respectais. Mais tout a commencé à vriller quand on m’a dit « finis ton assiette, pense aux pauvres enfants qui meurent de faim ».
Oui, c’était une remarque classique dans mon enfance. Je n’ai jamais trop compris en quoi le fait que je mange allait aider ces enfants, mais j’ai pensé, vraiment, longtemps, à ces pauvres enfants. J’avais de la peine pour eux. Et j’ai intégré que le fait de gâcher de la nourriture, c’était ajouter une insulte à une situation qui était déjà anormale et horrible. J’étais une enfant sensible, ça a marqué mon éducation.
Il faut toujours faire attention à ce qu’on dit aux enfants.
La révolte à l’adolescence, ça s’exprime timidement parfois
J’étais aussi timide, renfermée, maladroite, mal à l’aise, extrêmement sage…
Mais je lisais beaucoup, déjà. Et lire, ça développe l’empathie. Quand on passe sa vie à se mettre à la place des autres, on ne sait plus trop s’arrêter.
Alors, à 11 ans, je faisais le tour de mon village pour faire signer une pétition afin qu’on arrête le massacre des dauphins par des pêcheurs de je ne sais plus où.
À 12 ans, après avoir lu Anne Frank à l’école, je me disputais avec des membres de ma famille car je ne comprenais pas qu’on puisse avoir vécu la Seconde Guerre mondiale et être raciste. On me disait « tais-toi, Mélanie, les adultes savent, toi tu n’es qu’une enfant » (et c’est là où je me dis que le dernier opus de Clémentine Beauvais, qui propose de donner le droit de vote aux enfants, a peut-être un certain sens)
À 13 ans, je me fabriquais un badge avec une épingle à nourrice et un bout de papier dessiné par mes soins, pour dire que le tabac tuait des gens et qu’il fallait arrêter de fumer.
A 16 ans, j’arborais un ruban rouge sur ma veste (on était en 1994, des gens se faisaient rejeter à cause du sida, c’était inconcevable pour moi. Je crois que j’étais la seule du lycée à en porter un).
J’étais une révoltée depuis l’enfance. Mes combats étaient inégaux, pas toujours bien choisis, peut-être, mais il y avait déjà un fil rouge : penser aux autres. Penser à ce qu’ils peuvent ressentir. Même si c’était loin de moi et de mon quotidien.
La révolte au début de l’âge adulte, ça donne quoi ?
À 18 ans, mon premier stage en entreprise, je l’ai effectué à Solidarité Enfant Sida. Là, comme ça commençait à se voir que j’avais un truc avec l’écriture, on m’a demandé de rédiger le portrait d’une personne suivie sur place. Une mère, qui avait connu la drogue, les vols pour s’en procurer, la prostitution, et qui maintenant voulait juste que sa fille puisse s’en sortir. Elles étaient malades toutes les deux. Je ne comprenais pas les gens qui me disaient « oui, mais peut-être que c’est sa faute, quand même ».
À 20 ans, je prenais régulièrement le train entre la Belgique et la France. En tant que jeune femme blanche, j’étais rarement contrôlée. Voire jamais. Ce n’était pas le cas de tout le monde. Quand je m’en suis offusquée, on m’a dit que j’avais tort, qu’il y avait une raison si certaines personnes étaient plus souvent contrôlées. Parce qu’on savait bien qui était les plus mauvais dans tout ça. Que j’étais naïve de croire le contraire, que je ne connaissais rien à la vie. Et que me mettre à leur place et imaginer ce que ces personnes devaient ressentir au quotidien prouvait bien mon manque de compréhension du monde.
Je n’étais toujours pas d’accord, mais je n’avais pas l’énergie de me battre au-delà de mon cercle proche pour défendre mes opinions.
Alors, j’ai mis ça dans des livres. Oh, pas dans des leçons de morale. Mais dans des histoires où ceux que l’on croit méchants ne le sont pas toujours. C’était ma manière de faire passer le message.
Et maintenant ?
Aujourd’hui, j’ai plus de 40 ans. Je me rapproche de plus en plus des cinquante. Je crois que l’on peut raisonnablement dire que je ne suis plus une enfant. Je ne suis pas non plus devenue une activiste, ou une militante. Je n’ai pas assez d’énergie en moi pour ça. Je le regrette souvent.
Je continue juste à essayer d’améliorer le monde par petites doses, avec ce que je mets dans mes romans. Pas en donnant des leçons. Juste en racontant des histoires. Et peut-être que le message passe, parfois.
Mais ça ne m’empêche pas d’être une révoltée. Une écorchée vive. Qui ne comprend pas comment tant de personnes peuvent souffrir et encore plus de personnes ne pas le voir. Comment des gens peuvent ne pas avoir peur du climat qui fout le camp, des enfants maltraités, des guerres, des violences diverses de la société. Comment on peut tranquillement dire « les minorités » en parlant d’autres personnes, et donc considérer qu’elles valent moins que nous.
Je suis incapable de me protéger en ne regardant plus les infos, comme certain•es le font. Parce que ce serait terriblement égoïste de ma part, et que je ne sais pas être égoïste. Détourner le regard, non, ce n’est pas moi.
Alors, oui, la plupart du temps j’encaisse parce que je sais que je vais me fatiguer pour rien. Puis parfois j’explose et, pour certains, je deviens une personne casse-pieds, moralisatrice, wokiste aussi (vous avez remarqué que ce mot est toujours utilisé pour critiquer ceux qui dérangent? ), mais aussi et toujours naïve et déconnectée de la réalité.
Et peu importe si, depuis mon enfance, je me suis documentée et que j’en sais plus sur certains sujets que d’autres personnes qui se contentent des gros titres qui leur sont servis. Je comprends, c’est dur d’accepter que l’on se trompe et de chercher à se renseigner. Ou de tenter de comprendre ce que d’autres peuvent ressentir.
Je continue donc à croire, ou à espérer, que c’est aussi à ça que sert la littérature. À raconter des histoires, bien sûr, parce que le plaisir est là avant tout. Mais aussi à apprendre aux autres, et à leur faire ressentir un peu plus que ce qu’ils connaissent.
J’ai un peu hésité à écrire et partager cet article. Et puis, d’autres autrices m’ont dit « mais si, vas-y » (est-ce le moment de souligner que les femmes sont toujours beaucoup plus prêtes à dévoiler qu’elles ne sont pas seulement des super-héroïnes ?).
Celles et ceux qui me suivent depuis longtemps savent déjà qu’il y a quelques années, un médecin m’a dit « oh, mais au fait, mme De Coster, vous savez que vous êtes bipolaire ? ».
Choc, stupeur et tremblements ! Je me suis pas mal documentée sur le sujet, je m’y reconnaissais, au moins en partie, et comme j’alternais entre des phases où tout allait bien et d’autres où… disons que le moral était nettement moins bon, j’ai fini par accepter ce diagnostic. Avec, pourtant, déjà un ou deux bémol : un autre médecin qui m’avait dit « non, mais vous n’êtes pas bipolaire, vous êtes hypersensible, les psychiatres ont trop souvent tendance à confondre les deux » et, surtout, le fait que je ne me reconnaissais qu’en partie dans le profil des bipolaires, justement (on y reviendra). Mais bon, on avait défini qui j’étais, on me soignait pour ça, finalement c’était rassurant. J’allais aller mieux, c’était certain (et écrire plein de nouveaux romans avec une énergie nouvelle, bien sûr). Sauf que je crois bien qu’au final, les étiquettes, ce n’est pas fait pour moi…
Une étiquette ? Euh, vous êtes sûrs ?
On a donc la petite Mélanie. Vous savez, cette fille un peu étrange, capable de passer du rire aux larmes, de s’enthousiasmer pour un rien puis de se lasser aussi vite, qui a autant besoin de stabilité que de changements réguliers, qui apprécie de voir ses amis mais qui a ne peut survivre sans moments de solitude réguliers… Et ce n’est pas tout, si j’avais grandi maintenant, et pas dans les années 90, je me serais sans doute définie comme « agenre » (non, franchement, je ne me reconnais pas dans les codes féminins, et pas dans les masculins non plus. Je ne me maquille pas, mais je peux porter des jupes si j’ai envie, j’ai longtemps eu un look androgyne… Mais je suis du siècle passé et après m’être promenée dans les rues le soir en tenant mes clés entre mes doigts ou avoir dû assurer que je n’allais pas tomber enceinte dans l’année lors d’entretiens d’embauche, je me sens pleinement investie du combat féministe. Et donc femme, mais à ma manière, et c’est très bien comme ça).
Même en écriture, je ne me contente pas d’une seule étiquette : fantastique, historique, parfois un peu de romance… Et alors, ça gêne qui ?
Je crois que ce qui me gêne, avec les étiquettes, c’est qu’elles ont un peu trop vite tendance à vouloir vous enfermer derrière elles. Et moi, j’avoue, je n’aime pas me laisser enfermer par les autres bien longtemps. (vous non plus, non?)
Neuroatypie, oui, mais laquelle ?
J’ai très très tôt compris que je n’étais pas toujours comme les autres. Ou comme ce que les autres semblaient attendre de moi (car je ne suis toujours pas persuadée qu’en fait, les neurotypiques, ceux qui se fondent dans le moule attendu, sont la minorité de la population…). Je me disais « je suis différente », on me répondait « tous les jeunes le croient », et je souffrais parfois de cette situation.
La souffrance a parfois été très profonde. Trop. Voire insurmontable.
J’ai survécu.
Et puis, il y a quelques années, on a commencé (merci les réseaux sociaux) à parler plus librement de neuroatypie.
Petit point définition : les personnes neuroatypiques, ce sont ces personnes atteintes d’un trouble dont le fonctionnement neurologique diffère de la norme.
On pourrait discuter longtemps de comment est établie une norme, mais ce n’est pas le sujet.
Une question se posait pourtant : ok, mais quelle neurotypie me correspond, me définit, explique pourquoi je ne suis pas « comme les autres ».
J’ai pensé à tellement de pistes : le haut potentiel, le TDA, même l’autisme. À chaque fois, il y a certains traits qui collent. Mais pas tout à fait, pas suffisamment pour que je me sente légitime à me reconnaître dedans. Même là, finalement, j’étais « hors norme ».
Le vertige de l’hypersensibilité
Et puis, il y a quelques semaines, j’ai décidé de revenir vers l’idée suggérée un jour par ce médecin : l’hypersensibilité. J’avoue, là encore, je ne peux pas dire que tout colle. Mais une de mes lectures comportait ce message « quand vous avez le vertige, vous ne vous demandez pas si c’est vrai ou pas, suffisant ou non, vous n’avez pas besoin de test pour le valider, le comparer aux autres. Pourquoi ce ne serait pas pareil avec l’hypersensibilité ? ».
Et, oui, au fait, j’ai le vertige aussi, donc la comparaison me parlait parfaitement.
Aujourd’hui, je ne sais toujours pas si je suis hypersensible ou autre chose, ou juste moi. Ce que je sais, c’est que dans les communautés d’auteurs et d’autrices, ou parmi vous, lecteurs et lectrices, j’ai rencontré pas mal de gens qui me ressemblent. Et ça, c’est plutôt pas mal.
Ce que je sais aussi, c’est que ça nourrit mon écriture (je viens de passer quelques années sous médicaments pour « rentrer dans la norme » et je n’ai jamais eu autant de mal, pendant aussi longtemps, à écrire. Je ne recommande à personne d’arrêter son traitement pour mieux créer, attention, mais en m’acceptant telle que je suis, plutôt que de chercher à le restreindre, j’ai l’impression de retrouver mon souffle d’écriture, mon envie… ).
Aujourd’hui, j’ai décidé de vivre et écrire avec tout ça : oui, j’ai des phases où j’ai juste envie de disparaître sous ma couette, oui je peux pleurer pour un rien, mais, et alors, j’ai aussi ces périodes où j’éclate de vie et où tout redevient possible. Et je n’ai pas besoin de cacher que j’ai mal parfois, parce que c’est peut-être ça qui était au final le plus dur à vivre.
Je ne sais pas si j’ai raison ou non. Mais même les spécialistes ne se mettent pas d’accord sur le sujet. Donc les certitudes… c’est une belle illusion.
Je sais juste qu’intégrer pleinement ma différence (ou juste ma manière d’être) m’inspire profondément en ce moment. Et que ça me donne très, très envie d’intégrer ce regard, cette perception, dans mes prochains romans. Ça vous tente ?
Vous le savez peut-être déjà : la maison d’édition ActuSF a annoncé sa fermeture en ce mois de septembre. Pour certains et certaines, cela pourrait sembler anecdotique : « c’est juste une boîte qui met la clé sous la porte, comme des centaines d’autres en France ». Sauf que dans le domaine de la culture, ce n’est pas aussi simple.
La fin d’une époque
Quelle que soit l’entreprise qui ferme, c’est toujours la fin de quelque chose. Il deviendra impossible de retrouver ses produits, ses salariés perdent leur emploi… C’est donc rarement une bonne nouvelle.
Est-ce que je trouve plus grave de ne plus pouvoir acheter certains livres qu’un pull d’une marque connue ? Oui, j’avoue. C’est peut-être à cause de ma sensibilité littéraire. C’est peut-être parce que j’estime que cela représente une véritable perte pour la culture.
C’est parfois difficile à exprimer, mais il faut bien le dire : avec ActuSF qui doit déposer le bilan, ce sont des dizaines de titres et d’auteurices qui risquent de disparaître. Parmi elleux, des sagas en cours (Il faut ABSOLUMENT que la Geste de Morgan of Glencoe puisse se poursuivre quelque part), des romans qui ne seront presque certainement plus jamais réédités ailleurs (et je peux vous dire que leur catalogue contenait plus d’une pépite).
Parce qu’il faut bien le dire, dès maintenant : si vous n’aviez pas pu vous procurer certains romans dont vous aviez entendu parler… Il est peut-être déjà trop tard pour eux. Oui, leurs auteurs et autrices pourront poursuivre leur carrière ailleurs, c’est possible. Mais ces titres-là, dont certains sont déjà en rupture de stock, n’ont qu’une infime chance d’être repris ailleurs par un autre éditeur.
L’édition, ton univers impitoyable
C’est le moment de vous faire une petite leçon sur l’édition. Brève, rassurez-vous. Une maison d’édition, c’est avant tout une entreprise. Son but, c’est de gagner de l’argent. Pour produire des livres, soit, mais pas uniquement pour le plaisir. Il faut qu’ils rapportent.
C’est pour cela que les romans tournent à toute vitesse dans les librairies. Vous avez entendu parler d’un roman et vous attendez quelques mois pour l’acheter ? Oups, il n’est déjà plus dans les rayons. Dans le meilleur des cas, vous penserez à le commander. Mais, parfois, l’ouvrage est en rupture de stock, n’est plus édité… et vous vous retrouvez le bec dans l’eau (comme la personne qui a consacré des mois à l’écrire et qui n’a eu droit qu’à un petit tour sur les tables des libraires…. Si elle a de la chance).
Autant vous dire que dans ces circonstances, les chances pour qu’un éditeur décide de rééditer un ouvrage déjà paru ailleurs sont proches de zéro (cela n’arrive que pour les ouvrages considérés comme des classiques qui se vendront toujours. Comme la énième réédition de Tolkien ou de Harry Potter par exemple).
Que puis-je faire pour aider un auteur ou une autrice alors ?
Pour les ouvrages déjà parus chez ActuSF, vos actions ne sont pas aussi limitées qu’il n’y paraît. C’est le moment idéal pour aller fouiller les rayons de votre librairie préférée pour vérifier s’il y en a encore en stock, avant qu’ils ne disparaissent définitivement. Vous aurez ainsi le plaisir d’enrichir votre bibliothèque de beaux ouvrages (et qui sait s’ils ne vaudront pas très cher dans quelques années ? Oui, j’ai un petit côté bibliophile, j’avoue). Mais aussi, vous contribuerez à améliorer les chiffres de vente de ces livres (et donc, peut-être, leur opportunité d’être repéré par de futurs repreneurs).
Prenez ensuite quelques minutes pour commenter vos lectures (sur les sites de vente en ligne, sur les forums adéquats..). Pas la peine de rédiger un roman (c’est déjà fait d’ailleurs), juste quelques lignes, quelques mots. Histoire de faire savoir que oui, ce livre vaut le coup, et que d’autres ont tout intérêt à le comprendre aussi (bon, les menacer n’est peut-être pas obligatoire, par contre…)
Évidemment, je suis parfaitement consciente que tout le monde n’a pas le budget pour acheter tous les livres qui paraissent, même pour soutenir des auteurs et des autrices que vous aimez bien. Et la bonne nouvelle, c’est que vous pouvez agir quand même.
Que ce soit pour les auteurs et autrices d’ActuSF ou les autres, je vous encourage fortement à vous abonner à leurs réseaux sociaux, à liker, commenter ou partager ce qu’ils et elles publient. Parce que, oui, cela les aide aussi à se faire connaître. Et dans le monde impitoyable de l’édition, un auteur ou une autrice qui a déjà une communauté qui le ou la suit, c’est tout de suite plus intéressant.
Ne laissez pas tomber les auteurs et les autrices d’ActuSF ! Vous avez un véritable pouvoir entre vos mains, ne l’oubliez jamais.
Lettres du Kansas, c’est un roman épistolaire historique (ne vous inquiétez pas, je vous réexpliquerai après ce que c’est en vrai). Mais surtout, c’est un projet complètement fou qui se concrétise enfin. Et il était plus que temps que je vous en parle : il sort en librairie le 15 février !
C’est quoi cette histoire ?
On va commencer dans l’ordre. Tout d’abord, le résumé de Lettres du Kansas :
1869, Kansas, États-Unis. Deux cousines entament une correspondance. Sarah, 18 ans, veut quitter la ferme familiale mais n’envisage surtout pas de se marier. Ellie, 21 ans, est journaliste en ville, à Topeka, et son mari essaie d’écrire des romans. Ils vivent dans une petite chambre, n’ont pas d’argent, mais ont plein d’espoir et de projets. Peu à peu, Sarah et Ellie s’affranchissent du carcan que la société leur impose pour vivre leurs ambitions. Un beau roman épistolaire féministe. Le parcours initiatique et émancipateur de jeunes femmes courageuses qui veulent suivre leurs rêves et être libres.
Donc, là, vous commencez à comprendre que ce roman se déroule aux États-Unis, quelques années après la guerre de Sécession (pour situer le contexte).
Que vous allez suivre deux cousines qui s’échangent des lettres (oui, c’est ça ce que ça veut dire « épistolaire »). Et qui dit « lettres » veut surtout dire : chapitres courts, on va droit à l’action, et ça s’enchaîne très vite.
Qu’il y a un côté « rat des villes et rat des champs » entre ces deux cousines : une vit à la campagne, l’autre en pleine ville.
Et qu’il y sera question d’émancipation féminine, de droit des femmes, mais aussi de nombreux sujets qui faisaient l’actualité de cette époque (et, en vrai, de maintenant aussi, il faut être honnête).
Mais comment t’est venue cette idée ?
C’est souvent la deuxième question que l’on me pose sur ce roman. Pour être tout à fait honnête, j’étais une grande fan de La Petite Maison dans la prairie lorsque j’étais jeune. J’ai dû voir toute la série (oui, même le dernier épisode). Et j’ai lu tous les livres, que j’ai encore chez moi.
Comment ne pas aimer un livre qui commence par les mots :
Il y a très longtemps, quand tous les grands-pères et toutes les grands-mères n’étaient que des petits garçons ou des petites filles, ou même de très petits bébés, s’ils étaient déjà nés, Papa, Maman, Marie, Laura et bébé Carrie quittèrent la petite maison où ils vivaient, dans les grands bois du Wisconsin.
J’adorais Laura Ingalls et cette époque m’a toujours fascinée. Le côté ruée vers l’Ouest, les grands espaces, un monde où tout était encore à faire…
Mais tout n’était pas rose non plus. Et, en grandissant, je me suis toujours demandé si, en réalité, j’aurais supporté de vivre à une époque où les femmes avaient si peu de liberté. Je DEVAIS en écrire un livre…
Mais pourquoi un roman épistolaire ?
C’est une très bonne question aussi. Pour tout vous dire, ce roman a connu plusieurs faux départs. Je savais que je voulais écrire cette histoire, mais je ne trouvais pas le ton juste. Sarah, qui était alors mon personnage principal, n’avait pas encore sa voix. Elle voulait raconter son histoire, mais tout sonnait faux.
J’ai même essayé de le faire sous forme de journal intime. Une catastrophe.
Et puis, un jour, elle a commencé à rédiger une première lettre… Et le tout s’est enchaîné naturellement.
J’ai un certain goût pour les romans épistolaires, qui restent rares en littérature. Et j’aime moi aussi beaucoup recevoir et envoyer des lettres (j’ai été une correspondante acharnée pendant des années, et je reste toujours triste que cet art soit en voie de disparition).
Si vous n’avez jamais fait l’expérience de ce genre de littérature, essayez. Lettres du Kansas est un roman court, vous pourriez bien vous laisser emporter dans l’histoire sans même vous en rendre compte !
Et tu as dû faire beaucoup de recherches, alors ?
Si vous saviez… Mais d’abord, il faut que je vous dise : j’adore faire des recherches. Presque autant qu’écrire. Apprendre des choses, découvrir, ça fait vraiment partie de ce qui me fait plaisir dans mon travail d’autrice.
Alors pour Lettres du Kansas, c’est vrai, j’avais de quoi faire. Je connaissais déjà un peu l’époque, donc cela facilitait le départ (même si j’aurais adoré bénéficier d’une machine à voyager dans le temps pour aller voir sur place ce qu’il en était à ce moment-là).
J’ai compulsé je ne sais combien d’archives. Des vieilles images de Topeka, des plans, des articles de journaux des années 1870… J’ai étudié les temps de parcours en diligence, les tenues des femmes, les grands chantiers qui se construisaient. Ces recherches m’ont permis de trouver l’une des premières femmes médecins (non, ce n’était pas le Docteur Quinn), de dénicher une université qui fut parmi les premières à accepter des étudiants noirs… Autant d’éléments qui ont enrichi mon texte (et qu’est-ce que j’étais heureuse à chacune de ces découvertes !).
Alors, il est tout à fait possible qu’il y ait des erreurs dans le roman : je ne suis pas une historienne. Et, parfois aussi, j’ai pris quelques libertés : c’est un roman avant tout. Mais le tout constitue un ensemble qui devrait à la fois vous en apprendre plus sur la vie américaine dans les années 1870 et vous emporter dans une aventure riche en rebondissements !
Et nous, maintenant, on peut faire quoi ?
Moi, j’ai fait mon travail : j’ai effectué mes recherches, j’ai écrit un roman, je lui ai trouvé un éditeur (et merci mille fois aux éditions Milan pour leur confiance !).
Maintenant, c’est à vous de jouer. Ce roman, vous pouvez allez en parler à votre libraire. Mais aussi à votre voisin, votre professeur, vos collègues… Vous pouvez le commander, le lire, le recommander autour de vous. Le commenter une fois que vous l’aurez lu, sur votre plateforme préférée (Booknode, Livraddict, Babelio ou les sites marchands… sur tous les endroits où cela vous fera plaisir).
Parce que c’est vous, maintenant, qui allez pouvoir le faire vivre. Un auteur ou une autrice n’est rien sans ses lecteurs. J’ai besoin de vous. J’espère sincèrement que ce nouveau roman vous plaira. Il y a longtemps que je le porte en moi. Il est différent aussi de ce que j’ai pu écrire avant, et c’est toujours un peu inquiétant. Votre accueil, vos retours et le bruit que vous ferez autour de lui pourront faire toute la différence !
Quand j’étais enfant, je disais déjà à tout le monde qu’un jour je serais autrice. Bon, en vrai, je ne disais pas ça, parce qu’on n’utilisait pas (ou plus) le mot autrice à l’époque, mais j’affirmais en tout cas que j’écrirais des livres. Je le savais, c’était une évidence, et je ne comprenais pas vraiment pourquoi on souriait doucement en me disant « c’est bien, mais il faut avoir un autre métier ». Aujourd’hui, plusieurs de mes romans sont dans les mains (et les bibliothèques) des gens, donc je pourrais croire que j’ai atteint mon objectif. Mais si celui-ci avait grandi avec moi ?
Être publié·e, le Graal ?
Quand j’étais petite fille, donc, ce que je voulais absolument, c’était voir mon livre en librairie (et chez les lecteurs et lectrices aussi, bien sûr). À l’époque (je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans, tout ça tout ça…), on ne parlait pas encore d’édition indépendante. Donc, les maisons d’édition avaient tout mon intérêt, et l’entièreté de celui-ci.
Depuis, j’ai eu des titres publiés dans des magazines, dans des maisons d’édition de diverses tailles, et en auto-édition. Chacune de ces expériences est aussi géniale que l’autre. Je ne vais pas vous mentir : autant j’aime avoir le contrôle de tout en auto-édition, autant les maisons d’édition traditionnelle ouvrent des portes totalement différentes. Et je suis absolument ravie de mon expérience avec les éditions Milan (au point de me demander si je continuerai à sortir des titres de mon côté).
Être publiée par une « grande » maison d’édition, c’est un rêve de petite fille qui se réalise. J’ai envie d’aller dire à la moi d’alors « tu as raison d’y croire. Persévère et un jour ça arrivera. Et tu seras tellement fière… ».
Car, oui, chaque étape rend fière : le premier retour positif sur un titre, la première dédicace, les premières personnes qui reviennent vous voir en vous disant « j’ai adoré votre dernier roman ». Je l’ai déjà dit, et je ne le répéterai jamais assez, mais c’est vraiment quelque chose qui me porte.
Et cette nouvelle étape, de savoir que mon livre est accessible dans toute la France, je la savoure comme il se doit. Sans renier les précédentes. Mais sans bouder mon plaisir non plus (et ça, croyez-moi, c’est important. Faites une pause pour savourer vos propres réussites, et on passe à la suite).
Et maintenant, tu fais quoi ?
Si mon rêve d’enfant, c’était d’avoir mon livre en librairie, c’est bon je peux m’arrêter maintenant, non ?
Je me gausse un peu, puis je vous réponds.
Déjà, vous pensiez sérieusement que j’allais m’arrêter là ? Vous croyiez que je n’avais pas d’autres histoires à raconter ? Alors ça, je peux vous assurer que ce n’est pas près d’arriver. Je peux déjà vous affirmer qu’il y aura d’autres livres, d’une manière ou d’une autre. Et ça, ça me fait déjà plaisir (à vous aussi, j’espère ?)
Je pourrais me satisfaire de cela : écrire des romans. Me débrouiller pour que des lecteurs les découvrent. Passer au suivant.
Mais, d’un, je ne suis pas un robot (si, si, j’ai vérifié. Avec des captchas mais pas seulement).
De deux, depuis mon enfance, j’ai découvert qu’il existait plein d’autres facettes à la vie d’auteur ou d’autrice. Et ces buts-là, je ne les ai pas encore atteints.
Par conséquent, j’ai fait une petite liste (non exhaustive. Il ne faut jamais mettre de fin à ses rêves). J’aimerais :
recevoir des fan-arts de mes romans (faites-vous plaisir si vous aimez dessiner et appropriez-vous mes personnages)
apprendre qu’il y a des fan fictions sur mes romans (certains n’aiment pas ça. Moi, j’adore l’idée)
être invitée à un salon littéraire (savoir que quelqu’un d’autre a eu envie de me faire venir, le rêve !)
recevoir un prix littéraire (j’ai déjà eu des prix pour des nouvelles, mais jamais pour mes romans. J’ai envie d’un peu plus de gloire dans ma vie. En plus, ça ressemble à des paillettes !)
voir une de mes œuvres adaptées. Au ciné ou en série, je ne suis pas difficile.
avoir mes romans traduits à l’étranger.
Puis il y a les trucs qui ne dépendent que de moi : sortir une version illustrée d’un de mes romans (ça, c’est un projet pour Le Secret du vent, maintenant que la trilogie est terminée), faire des scénarios de BD (ou de série TV aussi, on y revient), écrire un roman interactif…
Et puis il y a le but ultime : vivre uniquement de l’écriture de fiction.
Bref, comme vous le voyez, j’ai encore de quoi m’occuper pendant quelques années !
L’écriture inclusive fait débat. Depuis déjà un certain temps. Jusque là, je n’en parlais pas, je me contentais de m’informer sur le sujet (et d’apprendre de nombreuses choses intéressantes sur l’histoire de la langue française et la construction mentale qu’elle implique). Et puis, j’ai lu que des députés voulaient interdire l’écriture inclusive dans les documents officiels et dans les communications publiques. Interdire, carrément ? Et si on remettait un peu les choses au clair…
C’est quoi, l’écriture inclusive ?
Ce qui inquiète (en apparence) beaucoup de personnes sur l’écriture inclusive, c’est ce fameux point médian (qui rendrait les textes illisibles) et les tout aussi célèbres mots nouveaux (« celleux » est l’un des exemples fréquemment cités).
Avant de revenir sur ces points précis, il faut peut-être redire que l’écriture inclusive, ce n’est pas que cela. C’est une conception de la langue et de la grammaire française qui prend un peu de distance avec le contestable « le masculin l’emporte ».
Et cela se traduit par un ensemble de pratiques :
La double flexion
On l’a déjà très souvent entendue dans les discours politiques. La double flexion, c’est dire « Français, Françaises », « toutes et tous », « lecteurs et lectrices »… Bref, c’est une manière d’inclure tout le monde dans un texte (oral ou écrit).
Ce n’est pas très difficile à mettre en application. Au pire, cela peut allonger un peu ledit texte. Mais est-ce vraiment si grave et pire que d’invisibiliser toute une partie de la population ?
Le langage épicène
Là, cela devient un peu plus technique, puisqu’il s’agit d’éviter tout terme qui serait masculin ou féminin, pour n’utiliser que des mots neutres. Par exemple « les droits humains » plutôt que « les droits de l’homme » « élèves du lycée » plutôt que « lycéen ».
L’exercice demande un peu plus de réflexion sur le langage, d’autant qu’il existe finalement peu de termes réellement neutres dans notre lexique. Ce qui le rend parfois peu pratique à mettre en place.
Une réflexion sur la règle de proximité (ou de majorité)
Non, vraiment, le masculin est toujours plus fort ? Même quand il est tout seul au milieu d’un groupe de femmes ? Avouez que je ne suis pas la seule personne qui a parfois eu du mal à trouver la logique dans cette manière de réfléchir. On pourrait choisir d’accorder soit au plus grand nombre de personnes d’un même sexe présentes, soit au genre qui est le plus proche de l’adjectif à accorder (ça va, vous suivez toujours ?)
Dire « Max et les filles sont parties à la plage », en quoi serait-ce si choquant ? Sauf, peut-être, pour des hommes qui n’auraient pas envie d’être accordés au féminin…
La (re) féminisation des noms de métier
Là, il s’agit d’un travail qui se met en place et qui est encore en construction (il suffit de lire les débats qui reviennent fréquemment autour du terme « autrice » ou le récent tollé autour de certaines définitions de dictionnaire : une bouchère étant ainsi l’épouse du boucher ou une guerrière une « jeune femme qui revendique avec agressivité sa place dans la société ».
Accepter qu’une femme puisse exercer un métier, et être donc appelée par le nom de celui-ci, fait aussi partie de l’écriture inclusive.
Le point médian
On en arrive enfin au fameux point médian. Tout d’abord, dans la pratique, il n’est rien de plus que l’équivalent actuel des parenthèses qui étaient auparavant utilisées dans un grand nombre de formulaires administratifs. Ce qui était « les étudiant(e)s » devient « les étudiant·e·s ». Un changement radical, n’est-ce pas ?
Pourtant, cette simple transformation de la langue (qui revient aussi à ne plus mettre entre parenthèses le féminin, mais on y reviendra plus tard) suscite de nombreuses levées de boucliers. Il est même argumenté que cela rendrait la lecture plus difficile.
Est-ce que c’est une idée nouvelle ?
Tout d’abord, l’écriture inclusive, ce n’est pas nouveau (et non, désolée, ce n’est pas un complot récent et une transformation radicale de notre héritage culturel).
De nombreux procédés de l’écriture inclusive, listés dans les points précédents, faisaient partie de notre langue auparavant :
La professeure de littérature française Eliane Viennot décrit comment, jusqu’au XVIIe siècle, la règle de la proximité primait. C’est François Malherbe qui décida d’imposer ce léger changement aux pratiques.
La question de la féminisation des noms de métier revient régulièrement sur le tapis depuis 1982. Or, dans le passé, les femmes soignantes furent appelées « médecines » jusqu’au XVIIe siècle et l’on trouve des traces d’huissières ou d’officières de la Légion d’honneur.
En Europe, depuis 1990, le comité des ministres du Conseil de l’Europe recommande de promouvoir l’utilisation d’un langage reflétant le principe de l’égalité de la femme et de l’homme.
À la limite, on pourrait reconnaître que l’appellation « écriture inclusive » est récente. Avant, on parlait d’écriture égalitaire, épicène, non sexiste, non discriminante. Le principe reste toujours le même : ne plus nier toute une partie de la population.
Le masculin est neutre par essence, non ?
C’est un argument qui est souvent avancé pour dire qu’il faut arrêter de se prendre la tête avec l’écriture inclusive. Dans notre langue, on utiliserait un masculin neutre et générique, pas du tout pour mettre de côté les femmes, qui se plaignent pour rien.
En plus d’oblitérer l’aspect psychologique et sociétal, tout comme l’impact de notre langue sur notre construction mentale, c’est aussi oublier que, historiquement, non, le masculin n’est pas neutre.
Notre bon vieux français vient du latin. Qui comprenait des déclinaisons masculines, féminines… et neutres. Ces dernières ressemblant aux masculines, la paresse a poussé le neutre vers la porte de sortie.
Et ce qui nous fait croire que le masculin l’emporte (du moins en grammaire), c’est cette décision, expliquée en 1647 par le grammairien Claude Favre de Vaugelas
« le genre masculin étant le plus noble, [il] doit prédominer toutes les fois que le masculin et le féminin se trouvent ensemble, mais l’oreille a de la peine à s’y accommoder, parce qu’elle n’a point accoutumé de l’ouïr dire de cette façon »
puis, en 1651, par le grammairien Scipion Dupleix :
« Parce que le genre masculin est le plus noble, il prévaut seul contre deux ou plusieurs féminins. ».
Plus si neutre, notre masculin, non ?
Ce que l’on voit aussi dans la remarque de Claude Favre de Vaugelas, c’est qu’il a fallu habituer l’oreille à ce changement (comme pour l’écriture inclusive actuelle, non ? Combien de fois j’ai entendu « autrice, c’est laid comme mot »).
C’est quand même un peu difficile à lire, non ?
On en vient là à l’argument de certains orthophonistes, dyslexiques ou autres. Un positionnement qui s’entend et se respecte.
Il est vrai que de lire « les agriculteurs·trices » dans un texte peut rendre la lecture plus complexe qu’un simple « les agriculteurs ». Surtout quand on a déjà des difficultés de lectures.
Néanmoins, il ne faut pas oublier que
les parenthèses qui remplaçaient les points médians étaient déjà utilisés dans ce genre de cadre auparavant et cela n’a jamais soulevé de levée de boucliers
notre esprit a l’habitude de lire « Mme » ou « Dr » et de le traduire automatiquement. Pourquoi en serait-il incapable dans le cas du point médian ?
Des études auraient tendance à montrer que le point médian serait même plus facile à lire qu’un point bas (celui que vous utilisez à la fin des phrases) ou des parenthèses.
L’écriture inclusive, ce n’est pas que le point médian. On peut très bien dire « les agriculteurs et les agricultrices » ou « les personnes qui travaillent dans l’agriculture ». En quoi serait-ce un problème ?
Par ailleurs, il existe également des associations de personnes dites « neuro-atypiques » qui remettent en cause cette éventuelle difficulté. Selon elles, il suffirait de recalibrer les logiciels de synthèse vocale (ce qui, certes, nécessite peut-être des compétences particulières en programmation, mais certaines pistes sont déjà envisagées).
Maintenant, en principe, vous en savez un peu plus sur l’écriture inclusive. Mais vous vous posez peut-être encore une question : pourquoi est-ce que cela fait débat ? Ou, pour commencer par l’un des côtés du débat : pourquoi certaines personnes tiennent-elles tant à ce que l’écriture inclusive soit adoptée.
Il existe plusieurs raisons à cela.
D’un côté, la simple logique : non, personne ne pourra jamais prétendre qu’un homme vaut plus que deux ou trois femmes. Et donc, ce n’est pas cohérent d’accorder des adjectifs qualificatifs à celui-ci.
Cependant, vous avez bataillé pour apprendre un semblant de grammaire dans votre enfance, ce n’est pas pour tout chambouler maintenant. Cela fait des décennies que la langue fonctionne de cette manière, on pourrait juste continuer, non ?
Et bien peut-être pas.
Parce que la manière dont nous nous exprimons est aussi le reflet de la manière dont nous pensons (ou conditionne celle-ci, diraient certains linguistes). Quel que soit le sens dans lequel on le prend, faire croire à des générations entières de petites filles que
le masculin l’emporte sur le féminin
il y a des médecins (hommes) et des sages-femmes, des instituteurs et institutrices (hommes et femmes) mais des professeurs (hommes… et mieux considérés)
Cela conditionne la manière dont elles se voient et se positionnent dans le monde. S’il y a plus d’hommes que de femmes dans certaines professions, c’est aussi lié au fait que la langue française ne laisse pas l’occasion à ces dernières de se projeter dedans. Différentes études ont été effectuées sur ce sujet : ici, ici, ici ou ici, notamment).
Par ailleurs, vous vous rappelez de la parenthèse, qui précédait le point médian ? Pour certain·e·s, c’était encore une manière d’enfermer les femmes entre des parenthèses… donc d’être considérées comme moins importantes. Oui, cette vision peut être considérée comme un peu exagérée et vous a peut-être arraché un sourire. Mais il y a quand même quelque chose de gênant dans tout cela.
Mais pourquoi certains s’offusquent contre l’écriture inclusive alors ?
Dans les personnes qui montrent au créneau contre l’écriture inclusive, on retrouve souvent… des personnes qui ont peur du changement. Parmi elles, certains et certains sont très pressé·e·s de monter au créneau, voire de s’offusquer dès qu’une marque ose utiliser de l’écriture inclusive dans une publicité ou ses réseaux sociaux. Comme si ces personnes étaient attaquées personnellement.
Pour l’Académie française, à cause de l’écriture inclusive « la langue française se trouve désormais en péril mortel » (j’ai envie d’ajouter « rien que ça ? »). Et c’est d’ailleurs en France que cette forme d’écriture rencontre le plus de résistance (elle est plus communément admise au Québec ou même en Belgique).
Et quand des projets de loi sont déposés contre l’écriture inclusive (le 28 juillet 2020 par Marine Le Pen et d’autres député·e·s, majoritairement du RN) ou dernièrement par de plus nombreux député·e·s (dont beaucoup de la majorité) qui commencent leur texte en disant, en substance « je ne suis pas contre l’égalité homme femmes mais… » (ce qui allume chez moi autant de signaux d’alerte que « je ne suis pas raciste/pas homophobe/pas macho, mais… »), je reste dubitative. Qu’est-ce qui les inquiète tellement ? Parce que ce n’est pas contre le point médian qu’ils et elles s’insurgent (ce qui, à la limite, pourrait s’entendre), mais contre l’écriture inclusive dans son ensemble.
Par ailleurs, certaines personnes préfèrent s’inclure dans une humanité présentée sous un neutre (au masculin). Dans une tribune, des linguistes expliquaient longuement que
« En introduisant la spécification du sexe, on consacre une dissociation, ce qui est le contraire de l’inclusion. En prétendant annuler l’opposition de genre, on ne fait que la systématiser : l’écriture nouvelle aurait nécessairement un effet renforcé d’opposition des filles et des garçons. »
Personnellement, je ne vois pas en quoi dire « les hommes et les femmes » pourrait les monter les uns contre les autres… Sauf si on suppose que l’esprit de compétition est inné chez l’être humain. Ou que reconnaître que on est tous différents mais que l’on peut tous avancer ensemble est encore problématique pour beaucoup.
Voilà. Maintenant, en principe, vous en savez un peu plus sur l’écriture inclusive. Comme vous vous en doutez suite à cette lecture, j’ai peut-être un avis sur la question. Par contre, avez-vous remarqué que vous avez lu un (long) texte rédigé entièrement en écriture inclusive ? Est-ce que cela était difficile ?
Vous voulez tout savoir sur le projet autour de Super Alana, ce qu’il y a dans le tome 2, et pourquoi j’ai lancé une campagne Ulule ? C’est maintenant que je vous explique tout.
Qu’est-ce que Super Alana ?
Il y a un an, je sortais un album pour les jeunes lecteurs, entre 8 et 12 ans. Il s’appelait Super Alana et il racontait la rencontre entre Alana, une petite fille noire, et deux extraterrestres aux caractères très opposés.
Grâce à eux, Alana développait des super pouvoirs et apprenait ce que c’était d’être une super héroïne.
Je vous invite à relire toute la description du premier tome si vous voulez en savoir plus. Mais il y a déjà un point important qui se dessinait : je voulais apporter un peu de diversité dans la littérature jeunesse. C’est pourquoi Alana est noire, que l’un de ses meilleurs amis est hyperactif, et que leurs cultures se mélangent sans aucun souci.
Tout d’abord, un point important : il est possible de lire Super Alana 2 sans avoir lu le premier. Un peu comme les tomes de la Cabane Magique ou du Club des cinq. Le principe est que chaque histoire soit indépendante.
Dans ce nouveau tome, Alana va rencontrer un chien bien étrange. Il semble posséder des aptitudes que la plupart des canidés n’ont pas. Et elle va se demander s’il ne s’agirait pas d’un extraterrestre sur le point de mener une invasion de la terre.
En faisant appel à ses super pouvoirs, Alana va mener son enquête, au milieu des refuges pour animaux abandonnés. L’occasion de soulever certains points de société pour les lecteurs, mais tout en restant dans le principe d’une aventure. Il y a du suspense, des rebondissements, et si on réfléchit, on y prend surtout du plaisir.
Pourquoi une campagne Ulule ?
Si j’ai décidé de mettre en place une campagne Ulule pour Super Alana, c’est parce que je voulais atteindre un nouveau niveau pour ce roman.
Cette campagne me permettra de financer plus d’illustrations à l’intérieur, donc de mieux payer mon illustratrice mais aussi d’avoir un ouvrage plus attrayant visuellement.
Par ailleurs, je pourrai aussi faire réaliser des versions des tomes 1 et 2 pour les dyslexiques, ce qui est un projet qui me tient à cœur depuis le premier tome.
Enfin, si j’atteins les paliers maximums, une partie des bénéfices pourra être reversée à des refuges pour animaux, on rentre donc là dans un projet qui soit aussi éthique.
Concrètement, j’ai volontairement choisi un premier palier assez bas : le livre verra le jour, c’est une certitude.
Ensuite, c’est sur le bouche-à-oreille que tout va fonctionner. Plus vous partagez ce projet, plus il a de chance d’aboutir avec toutes ses versions. Il suffit d’en parler autour de vous pour multiplier ses chances de réussir… et de réussir en beauté ! C’est tout le principe d’une campagne de financement participatif comme Ulule. Vous faites intégralement partie du projet. Vous êtes plus que des consommateurs, mais des consom’acteurs, qui vous impliquez sur les livres de demain.
Une semaine après sa sortie, il est plus que temps de vous parler plus longuement de Super Alana. Un court roman, pour les jeunes lecteurs, avec des extraterrestres et des superpouvoirs dedans, ça vous tente ?
Comment tout a commencé ?
Pour Super Alana, tout a commencé il y a bientôt deux ans. Avant ma toute première dédicace, pour laquelle j’étais un peu stressée, ma fille cadette m’avait fait signer sur un de ses carnets, pour que je sois rassurée, comme j’avais, ainsi, déjà dédicacé.
Quelques séances plus tard, le stress était moins présent… et moi aussi. Ma fille, qui soutenait toujours mes projets d’écriture et en parlait même autour d’elle, m’a alors demandé de lui écrire une histoire, pour elle, avec un personnage qui porterait son prénom.
C’est ainsi que Super Alana est née, sur un carnet, avec une deuxième demande : je veux qu’elle ait des super pouvoirs.
Comment Super Alana a été écrit ?
Pour Super Alana, j’ai renoué avec une technique que je n’utilisais plus depuis des années : j’ai écrit ce roman directement à la main. Dans mon super carnet que je transporte toujours avec moi, j’ai noirci des pages, entre deux dédicaces, en lisant les premiers chapitres à voix haute à ma fille, dès qu’ils étaient terminés.
Elle était ravie de suivre les aventures du personnage qui portait son nom, même si elle trouvait parfois qu’elle exagérait : elle, elle n’aurait jamais réagi comme cela !
C’était important pour moi d’avoir son retour direct, car le livre, au départ, était avant tout pour elle. Et puis, au fil des mois d’écriture, à force d’en parler avec elle, ce projet est devenu un peu plus sérieux.
De quoi parle Super Alana ?
La couverture dévoile déjà un certain nombre d’éléments sur le roman. Mais je vous reparlerai d’elle plus tard.
Super Alana, c’est l’histoire d’une petite fille curieuse et déterminée. Quand elle fait face à un trou énorme dans la cour de récréation de son école, trou qui l’empêche de jouer dehors et qui, surtout, est sorti de nulle part, Alana décide que cela ne peut pas se passer ainsi. Elle va mener l’enquête.
Elle emmène d’abord ses amis avec elle, mais elle se montre un peu plus motivée qu’eux. Et c’est ainsi qu’elle va découvrir le secret derrière ce trou… Mais, surtout, qu’elle va rencontrer des extraterrestres qui effectuent la maintenance de la Terre (oui, rien que cela).
Surpris, l’un d’entre eux va tenter de cacher ses maladresses en confiant une pièce de pouvoir à la petite fille. Maintenant, Alana possède des superpouvoirs… et elle va devoir apprendre à s’en servir au mieux.
Dans ce livre, je parle d’amitié, de ce qui fait qu’on est un héros ou non, d’ouverture d’esprit aussi… Vous aurez d’ailleurs remarqué qu’Alana est noire, ce qui a d’abord surpris ma fille (mais je ne suis pas noire, moi), mais qui me semblait important, et en rapport avec mes articles sur la diversité. Il n’y a pas que les petits blancs qui peuvent vivre des aventures !
Du texte… mais aussi des illustrations
Super Alana est dans un autre registre que mes titres précédents. Déjà, par rapport à la tranche d’âge visée. Il va de soi que l’on n’écrit pas de la même manière pour un enfant de 8 ans que pour un jeune adulte. La construction des phrases, de l’histoire, du vocabulaire… a donc été adaptée pour que le livre soit à la fois lisible et prenant pour des jeunes lecteurs (la tranche d’âge visée est 8-12 ans).
Le texte est aussi sensiblement plus court : il ne fait qu’une centaine de pages, illustrations comprises.
Parlons-en, justement, des illustrations. Très vite, il m’est apparu qu’il était impensable de proposer un livre jeunes lecteurs sans un minimum de dessins à l’intérieur. Et c’est là que cela devenait compliqué : je ne sais pas dessiner. Il allait donc falloir faire appel à un illustrateur ou une illustratrice.
J’ai d’abord défini le cadre de ce que j’allais demander : la couverture, bien sûr, mais aussi trois illustrations à l’intérieur. J’aurais volontiers fait plus, mais je dois aussi faire face à des contraintes budgétaires. Il y a plus de dessins dans l’histoire, afin d’aérer le texte, mais seuls trois ont été réalisés juste pour ce livre.
Je devais donc choisir à qui j’allais confier ce travail. Naturellement, je me suis d’abord tournée vers les gens que je connaissais, ou dont je suivais déjà le travail. Je savais déjà qu’une illustratrice de ma connaissance avait plusieurs fois dessiné des personnages noirs, et c’est l’une des premières que j’ai contactées. C’est aussi la première qui m’a répondu. Ce que j’ai pris pour un signe positif : je lui ai confié ce projet.
Mélodie Drouin (ou Mello Chamallo) a très vite été conquise par les aventures de Super Alana… et je suis ravie des dessins qu’elle m’a proposés !
Moi qui n’ai pas l’habitude de travailler à plusieurs sur mes projets d’écriture, j’avoue que cela me donne envie de pouvoir réitérer l’expérience !
Et la suite ?
Si vous êtes attentif, vous aurez remarqué qu’il y a un petit « 1 » sur la couverture. Oui, en effet, j’aimerais bien pouvoir poursuivre les aventures d’Alana dans de prochains tomes. Ce premier est né un peu par hasard, les autres seront encore plus travaillés, plus réfléchis…
Mais cela ne pourra être que si Super Alana rencontre un public suffisant. Et que celui-ci adhère aux aventures de cette nouvelle superhéroïne. Je vais vous confier un dernier secret sur elle : quand je lui ai fait développer ses super-pouvoirs, j’ai décidé qu’elle ne pourrait faire appel à ces derniers que quand elle en aurait VRAIMENT besoin.
Pour que Super Alana continue, c’est de vous dont elle aura besoin !
Parfois, sur des publications, pour des prix, ou dans la presse, je vois cette mention qui m’interpelle « pour les jeunes auteurs ». Oui, mais c’est quoi, un jeune auteur ? J’ai longuement réfléchi à cette question…
Si la jeunesse d’un auteur se détermine par son âge…
Existe-t-il une limite d’âge pour ne plus être un jeune auteur ? En regardant cet article des Echos, je me suis dit qu’un jeune auteur avait forcément moins de 40 ans.
Dans tous les cas, on pourrait croire que la catégorie « jeune auteur » concerne principalement l’âge de celui-ci… Ce n’est pas tout à fait aussi simple.
Si la jeunesse d’un auteur se détermine par son nombre de titres…
C’est maintenant que cela devient amusant ! Croyez-vous vraiment que Colum McCann, dans ses Lettres à un jeune auteur, ait estimé que son livre ne concernait pas les quarantenaires et plus ?
Dans ce cas-là, on pourrait donc estimer qu’un jeune auteur est un auteur qui débute dans le métier… Mais quels sont les critères pour déterminer qu’il devient un ancien : le nombre de titres écrits, publiés, les tirages, les récompenses ? Personnellement, je me sens certes plus « jeune autrice » que des auteurs qui en sont à leur dixième roman, et cela même si, dans l’état civil, j’ai quelques années de plus qu’eux au compteur.
Faut-il donc atteindre, je ne sais pas, moi, 7 livres (et là, encore, juste écrits ou publiés ? En édition traditionnelle ou indépendante ?)… pour dire que l’on atteint l’âge de raison des auteurs ?
Pourquoi alors s’adresser aux jeunes auteurs ?
Par conséquent, j’avoue que l’appellation « jeunes auteurs » me laisse perplexe… Je ne sais jamais si je suis comprise dedans ou pas. En règle générale, pour les concours, c’est assez simple à déterminer, la limite d’âge est précise. Mais pour le reste…
Encore une fois, pour moi, cette classification est peut-être surtout une manière de mettre les gens dans des cases. « ah oui, mais toi, tu es encore un jeune auteur, tu as tout à apprendre »
Ce n’est pas nécessairement négatif de la part de ceux qui prononcent ces mots (je connais la bienveillance de Lionel Davoust qui partage ses conseils aux jeunes auteurs), et c’est souvent fait dans une idée d’accompagnement. Mais quand on écrit ses premiers titres au-delà d’un certain âge, ce qui est le cas de nombreux auteurs, ce type d’interpellation peut sonner de manière maladroite.
Finalement, les conseils, les astuces, les masterclass d’écriture (comme celle de Roxane Dambre)… tout cela s’adresse à tous les auteurs, quel que soit leur âge. Certains seront peut-être plus utiles pour ceux qui démarrent dans l’écriture que pour les habitués (quoique). Mais il est plutôt agréable de se dire qu’on a tous un peu de jeunesse en nous.