J’ai un peu hésité à écrire et partager cet article. Et puis, d’autres autrices m’ont dit « mais si, vas-y » (est-ce le moment de souligner que les femmes sont toujours beaucoup plus prêtes à dévoiler qu’elles ne sont pas seulement des super-héroïnes ?).
Celles et ceux qui me suivent depuis longtemps savent déjà qu’il y a quelques années, un médecin m’a dit « oh, mais au fait, mme De Coster, vous savez que vous êtes bipolaire ? ».
Choc, stupeur et tremblements ! Je me suis pas mal documentée sur le sujet, je m’y reconnaissais, au moins en partie, et comme j’alternais entre des phases où tout allait bien et d’autres où… disons que le moral était nettement moins bon, j’ai fini par accepter ce diagnostic. Avec, pourtant, déjà un ou deux bémol : un autre médecin qui m’avait dit « non, mais vous n’êtes pas bipolaire, vous êtes hypersensible, les psychiatres ont trop souvent tendance à confondre les deux » et, surtout, le fait que je ne me reconnaissais qu’en partie dans le profil des bipolaires, justement (on y reviendra). Mais bon, on avait défini qui j’étais, on me soignait pour ça, finalement c’était rassurant. J’allais aller mieux, c’était certain (et écrire plein de nouveaux romans avec une énergie nouvelle, bien sûr). Sauf que je crois bien qu’au final, les étiquettes, ce n’est pas fait pour moi…
Une étiquette ? Euh, vous êtes sûrs ?
On a donc la petite Mélanie. Vous savez, cette fille un peu étrange, capable de passer du rire aux larmes, de s’enthousiasmer pour un rien puis de se lasser aussi vite, qui a autant besoin de stabilité que de changements réguliers, qui apprécie de voir ses amis mais qui a ne peut survivre sans moments de solitude réguliers… Et ce n’est pas tout, si j’avais grandi maintenant, et pas dans les années 90, je me serais sans doute définie comme « agenre » (non, franchement, je ne me reconnais pas dans les codes féminins, et pas dans les masculins non plus. Je ne me maquille pas, mais je peux porter des jupes si j’ai envie, j’ai longtemps eu un look androgyne… Mais je suis du siècle passé et après m’être promenée dans les rues le soir en tenant mes clés entre mes doigts ou avoir dû assurer que je n’allais pas tomber enceinte dans l’année lors d’entretiens d’embauche, je me sens pleinement investie du combat féministe. Et donc femme, mais à ma manière, et c’est très bien comme ça).
Même en écriture, je ne me contente pas d’une seule étiquette : fantastique, historique, parfois un peu de romance… Et alors, ça gêne qui ?
Je crois que ce qui me gêne, avec les étiquettes, c’est qu’elles ont un peu trop vite tendance à vouloir vous enfermer derrière elles. Et moi, j’avoue, je n’aime pas me laisser enfermer par les autres bien longtemps. (vous non plus, non?)
Neuroatypie, oui, mais laquelle ?
J’ai très très tôt compris que je n’étais pas toujours comme les autres. Ou comme ce que les autres semblaient attendre de moi (car je ne suis toujours pas persuadée qu’en fait, les neurotypiques, ceux qui se fondent dans le moule attendu, sont la minorité de la population…). Je me disais « je suis différente », on me répondait « tous les jeunes le croient », et je souffrais parfois de cette situation.
La souffrance a parfois été très profonde. Trop. Voire insurmontable.
J’ai survécu.
Et puis, il y a quelques années, on a commencé (merci les réseaux sociaux) à parler plus librement de neuroatypie.
Petit point définition : les personnes neuroatypiques, ce sont ces personnes atteintes d’un trouble dont le fonctionnement neurologique diffère de la norme.
On pourrait discuter longtemps de comment est établie une norme, mais ce n’est pas le sujet.
Une question se posait pourtant : ok, mais quelle neurotypie me correspond, me définit, explique pourquoi je ne suis pas « comme les autres ».
J’ai pensé à tellement de pistes : le haut potentiel, le TDA, même l’autisme. À chaque fois, il y a certains traits qui collent. Mais pas tout à fait, pas suffisamment pour que je me sente légitime à me reconnaître dedans. Même là, finalement, j’étais « hors norme ».
Le vertige de l’hypersensibilité
Et puis, il y a quelques semaines, j’ai décidé de revenir vers l’idée suggérée un jour par ce médecin : l’hypersensibilité. J’avoue, là encore, je ne peux pas dire que tout colle. Mais une de mes lectures comportait ce message « quand vous avez le vertige, vous ne vous demandez pas si c’est vrai ou pas, suffisant ou non, vous n’avez pas besoin de test pour le valider, le comparer aux autres. Pourquoi ce ne serait pas pareil avec l’hypersensibilité ? ».
Et, oui, au fait, j’ai le vertige aussi, donc la comparaison me parlait parfaitement.
Aujourd’hui, je ne sais toujours pas si je suis hypersensible ou autre chose, ou juste moi. Ce que je sais, c’est que dans les communautés d’auteurs et d’autrices, ou parmi vous, lecteurs et lectrices, j’ai rencontré pas mal de gens qui me ressemblent. Et ça, c’est plutôt pas mal.
Ce que je sais aussi, c’est que ça nourrit mon écriture (je viens de passer quelques années sous médicaments pour « rentrer dans la norme » et je n’ai jamais eu autant de mal, pendant aussi longtemps, à écrire. Je ne recommande à personne d’arrêter son traitement pour mieux créer, attention, mais en m’acceptant telle que je suis, plutôt que de chercher à le restreindre, j’ai l’impression de retrouver mon souffle d’écriture, mon envie… ).
Aujourd’hui, j’ai décidé de vivre et écrire avec tout ça : oui, j’ai des phases où j’ai juste envie de disparaître sous ma couette, oui je peux pleurer pour un rien, mais, et alors, j’ai aussi ces périodes où j’éclate de vie et où tout redevient possible. Et je n’ai pas besoin de cacher que j’ai mal parfois, parce que c’est peut-être ça qui était au final le plus dur à vivre.
Je ne sais pas si j’ai raison ou non. Mais même les spécialistes ne se mettent pas d’accord sur le sujet. Donc les certitudes… c’est une belle illusion.
Je sais juste qu’intégrer pleinement ma différence (ou juste ma manière d’être) m’inspire profondément en ce moment. Et que ça me donne très, très envie d’intégrer ce regard, cette perception, dans mes prochains romans. Ça vous tente ?